LAMARTINE – TIRE ET LES BALTAZZI

Je suis très heureux de voir se réaliser à Tire un colloque sur Lamartine. Quand j’ai fait mention en 2001 lors du colloque tenu a Izmir de l’importance de Tire, je n’esperai pas autant ........ mais c’est grace au Pr. Gertrude Durusoy et a vous tous ici presents que cela a pris cette ampleur meritée et je ne peux qu’étre heureux et vous en remercier.

Comme vous savez , et que nous décrit si bien mon compatriote Willy Sperco dans “ Lamartine et son domaine en Asie Mineure”. Au début de l’annee 1849 Lamartine qui approche de la soixantaine est criblé de dettes et rêve d’aller s’établir dans une de ses contrées d’Orient qu’il parcourut 17 ans auparavant.

Il voudrait quitter la France et construire un foyer dans une terre étrangère où l’on vit de si peu et ou le travail agricole est recompensé au centuple. Il écrit alors au Sultan Abdulaziz et au Vezir Resid Pasa.

“Je desirerai que mon emplacement soit du coté d’Izmit ou près de Marmara ou encore près de Smyrne en effet dans ce cas ma femme ne serait pas privée en hiver des amusements de Constantinople. Il assure qu’il fera venir des spécialistes d’Europe qui seront très utiles et que la terre deviendrait prospère”.

La Sublime Porte veut contenter le poète qui a une si grande renommée en Europe et en Turquie.

Alors entre en jeu mon Bis Aieul (arrière – arrière Grand Père) Emmanuel né a Izmir en 1797 (appelé aussi par son diminutif Manolaki, diminutif plutot Grec vu aussi que sa mère est Grecque, de la grande famille Chiote / Phanariote, Mavrocordato qui seront aussi Princes / Hospadars de Moldavie et de Valachie (qui est la Roumanie actuelle).

Emmanuel un des plus importants Banquiers de Galata est aussi le Banquier du Sultan, à qui il est très fidèle comme le dit le Ferman concedé par Mahmut II.

“Emmanuel bien qu’étranger il nous est avec tout son coeur (kalben) fidèle. Pour cela nous lui donnons exceptionellement le droit de construire une maison a Pera (Beyoğlu)”, c’est le premier droit de propriété donné a un étranger.

Le Vezir Resid Pasa appele Em. Baltazzi et lui demande conseil. Celui ci lui dit qu’il pourrait céder quelques fermes de son domaine de Burgazova à Tire (lire Tiré).

Il est mentionné dans les documents Ottomans que la Sublime Porte voulait éviter des transactions entre deux étrangers. Emmanuel était d’origine Venitienne mais avec la chute de Venise avait acquis la nationalité Autrichienne. Alors Resid Pasa se met d’accord avec Baltazzi pour une concession des fermes a la Sublime Porte qui de son côté les transfererait à Lamartine. Ils font un contrat, selon certain auteurs c’est une vente dans le plein sens du mot, selon d’autres comme l’Economiste Pr. Kazgan c’est une location. Dans les archives qui sont écrit en ancien Turc on retrace qu’il y a accord pour un paiement en avance (muaccele) de 1500 kese, et un accord sur un İltizam de paiement annuel de 50.000 kuruş (piastres), İltizam voulait dire affermage. Les dictionnaires modernes l’indiquent comme Leasing.

Quoi qu’il en soit les fermes sont cédées a Lamartine pour une période dit – on de 25 ans mais sans aucun droit de succession etc..

Ce grand domaine de Tire (39.000 hectares), était alors dans la province d’Aydin (il faut noter qu’Izmir aussi était alors dans le Vilayet d’Aydin) aujoud’hui Tire est dans la province d’Izmir). Tire dans l’antiquité faisait part de la Lydie. Son nom provient dit – on d’un satrape Persien, Tirivazo. Tiré avant 1922 avait 35.000 habitants dont 7.000 Grecs et 2.000 Juifs (Les Grecs l’appelaient Thira). Aujourd’hui Tire a une population de 42.000 et est a 80 km d’Izmir, facilement accesible par une bonne auto – route. Tire est aussi a peu de distance des nouvelles excavations de Metropolis et seulement a 35 km d’Ephese.

Les fermes étaient au nombre de six.
Dans la sous – préfecture de Torbali d’aujourd’hui – 1 ) Gurgur aujourd’hui Arslanlar, 2 ) Akçameshed aujourd’hui Şehitler, 3 ) Subaşı – Tulum.

Dans la sous – préfecture de Tire, 4 ) Yeni çiflik – 5 ) Hayredin çiflik Işıklar , 6 ) Rahmanlar çiftliği (Minare)

Lamartine est plein de joie quand il apprend la bonne nouvelle et envoit son fondé de pouvoir Rolland à signer l’accord et visiter les fermes. Selon ce que nous dit le Prof. Haydar dans son ouvrage “Les Banquiers de Galata” Charles Rolland avait de très bonnes relations avec les plus grands Banquiers de Galata, Alleon et Baltazzi, et il ajoute ironiquement que Baltazzi avait confié a Rolland qu’on pouvait élever des sangsues de très bonne qualité dans le domaine de Tire. Sur cela un des biographes de Lamartine Th:Beary aurait dit: que les sangsues avec l’étiquette de Lamartine auraient beacoup de succés en Europe.

Il est à remarquer que Lamartine dans son premier voyage de 1833 a Istanbul avait été hôte d’Alleon associé d’Emmanuel Baltazzi dans plusieurs entreprises et dans la premiere Banque de l’Empire, Dersaadet. Banque de Constantinople (1847).

En plus Coutourier , de Smyrne, dont parle Lamartine dans son voyage de 1850, était un collaborateur des Baltazzi / Alleon. Il sera chargé par eux d’organiser en 1852 un emprunt pour leur Banque.

Enfin comme vous connaisez, Lamartine n’ayant pas trouvé les financements nécéssaires pour gérer et cultiver ce domaine qu’il comparait a un royaume, y renonca et le Sultan malgré tout lui accorda une rente annuelle de 80.000 kurus (piastres).

Le Prof. Kazgan avec son humour habituelle remarque que dans toute cette histoire le plus lesé fut Baltazzi, car Baltazzi de ce domaine dont il ne tirait pas grand profit aurait été heureux de recevoir chaque année 50.000 kurus (ou selon Kazgan 60.000). Il est a noter aussi qu’Ali Pasa le gendre du Sultan, qui avait la femme la plus dispansiere de l’Empire considerant aussi les grandes sommes dues a cette époque a Baltazzi par la Sublime Porte avait eu certaines hesitations pour la rente a Lamartine, mais espérait que ce geste ferait venir des credits de l’Europe, et qu’il pourrait aussi payer Baltazzi dont il craignait le mecontentement. Mais la générosité des Baltazzi envers le Sultan continua quand Emmanuel lors de la fondation de la 1re Soc. An. Şirketi – Hayriye en 1851 fit venir de Londres par l’entremise de son fils les 6 premiers bateaux mouches qui devaient relier le centre de la ville au Bosphore, n’accepta aucun gain et le Sultan pour le remercier lui fit avoir gratuitement 10 actions. En 1879 dans la liste de la Dette Publique Ottomane figure la succession Baltazzi avec un crédit de

Ltqs. 453.667 et que déja en 1854 Emmanuel avait avancé presque une somme pareille à la Sublime Porte. D’autre part Abdulmecit est hôte des Baltazzi dans leur maison de Bornova (Izmir) en 1850, et Abdulaziz dans leur maison de Buca (Izmir) en 1863.

Sans doute Lamartine directement et /ou par l’entremise de Rolland avait demandé des credits aux Banquiers de Galata, mais ceci méfiants comme tous les Banquiers, et bien renseignés par Paris, y avaient refusé.

Sturdza dans son Dictionnaire des Grandes Familles, y mentionne que Lamartine avait nommé en 1849 Emmanuel Baltazzi son fondé de pouvoir. Je n’ai pu trouver aucune confirmation de ce fait.

Emmanuel meurt en 1856. 2 me partie

Peut être s’il y a le temps et si cela vous intéresse je pourrai dire quelques mots sur l’origine des Baltazzi et sur les autres membres de la famille. L’histoire est un peu de toutes celles qui de l’Occident de l’Europe sont venues s’installer au Levant. Si vous permettez dans le contexte que nous désirons voir se réaliser, en Europe Orientale, en Turquie. Beaucoup ont fait peut – être un peu trop vite fortune, une fortune qui n’a pas neanmoins duré tres longtemps.

Beaucoup de personnes de cette origine “levantine”, considérant peut-etre certains prejugés, hesitent à se nommer Levantins. Moi je ne peux être que fier, comme le prouve l’histoire et qui pour moi est l’identité de l’Europeen moderne, identité qui avait été aussi souhaitée par Lamartine qui envisageait de s’installer à Tire. Mais, sur cette question arretons nous la pour le moment.

Les Baltazzi sont d’origine Venitienne. Des recherches faites par un cousin qui avait plus de temps libre que moi, a découvert des armoiries Venitiennes allant a 1480, et des Baltazzi comme Chancelliers de la Serenissime, Commandants des galees, peintres et homme d’Eglise. Le 1er passeport des Baltazzi se rendant a Izmir porte la date 9 Decembre 1746 et est de Marino Baltazzi. Depuis lors on rencontre nombreux Baltazzi a Izmir et pour un certain temps a Chios. Les premiers mariages sont avec les grandes familles de Chios , qui s’installent aussi a Izmir, et dominent avec les Baltazzi le commerce maritime, vers Marseille, Londres et les ports d’Italie. Des comptoirs sont ouverts dans ces ports ou s’installent des membres de ces familles Chiotes apparantées entre elles. Le frère d’Emmanuel Demetrio (1791 – 1875) installe comptoir et Banque a Marseille , il sera en 1848 membre du Board des Gouverneurs du Comptoir National d’ Escompte.

Le tout sera repris par l’autre frère Jean (1796 – 1880) et cette branche continuera à vivre a Marseille et Paris. Un des derniers descendants Georges, né en 1856 s’occupera des sports hippiques. Dirigera le journal Jockey Nat. Francais, il sera décoré de la Légion d’Honneur. Un prix existe encore a son nom (a Maisons Lafitte).
Famille nombreuse, Cosmopolite, la Culture Francaise prédomine chez les Baltazzi, College St.Barbe de Paris, stages chez le Banquier Lafitte etc..

Emmanuel a quatre freres et dix enfants. En Turquie ils sont à Izmir, aussi bien qu’à Istanbul, Banquiers mais en même temps, ils font des accords tout a fait spéciaux avec la Sublime Porte, dès 1843 accord de stabilisation du cours. Seuls ou quelques annees avec les Alleon, ils maintiennent pendant plus de 10 ans le cours de la LTQ a 110 kuruş = £1 UK.- et ils fondent Emmanuel avec J.Alleon la premiere Banque de l’Empire, la Banque de Constantinople 1847.

Percepteurs d’impots des Vilayets, fournisseurs de l’armée etc.. ils acquirent de tres grands domaines, a coté de celui de Tire, Ali Ağa , Foça, Edremit, Menemen, Turgutlu, Yalova des Hans à Izmir et Istanbul. A la mort d’Emmanuel, la relève bancaire est reprise par son frere Théodore (1798-1860) , qui était déja actif dans la haute Banque Internationale, Associé de La Banque Sina de Vienne, il paie en 1840 six millions et demie de piastres en échange du droit de perception des impots dans les 6 Vilayet (provinces) en Roumanie et Macedonie.

Chef de file de Banquiers de Galata il est détesté par les Anglais qui veulent installer leurs banques a Istanbul et Izmir. Ironie du sort sa seconde femme est Anglaise de la famille Sarell (un descendant des Sarell sera dans les années 70 Ambassadeur a Ankara).

Théodore est le père d’Helene Vetsera dont la fille Marie (17 ans) mourra avec l’Archiduc Rodolphe à Mayerling (1889). L’histoire de cette seule branche est plus qu’un roman. Theodore mourant la famille déja annoblie par l’Empereur quitte Istanbul pour Vienne, ils concluent des mariages avec l’aristocratie Viennoise, possedent les meilleurs chevaux d’Europe et gagnent nombreuses courses (Derby 1876 Ang. + Paris) Cette fois la releve bancaire est prise par d’autres Baltazzi, se distinguent Evangelino (1826 – 1899) fils de Demetrio, marié a Zoi Karatheodori, une grande famille Grecque de savants, diplomates et Princes de Samos, ils s’installent en Grece ou il collabore avec le fameux Singrou a l’ouverture des premieres banques, multi décoré par la Grece et l’Italie dont il conserve la Nationalité Italienne jusqu’a sa mort.

Ces liaisons des Baltazzi avec les Grandes Familles Grecques, seront nombreuses, ce qui amenera à une Hellenisation de plusieurs branches et des descendants Baltazzi qui s’installent en Grèce, et où on rencontre plusieurs comme haut fonctionnaires, Politiciens, Ministres etc..

Aristide Baltazzi Bey (1831 – 1887) fils d’Emmanuel, sous – ministre des finances Ottomanes, Gouverneur et Principal Associé de la Société Generale de l’Empire Ottoman, Banque où sont aussi associés la Banque Ottomane, les Comando, les Ralli, les Zafiri, et les Zografos. Il conclut en 1867 un emprunt de 25 mill. Frs. avec le Credit Foncier. La Banque participe dans toutes les grandes entreprises tramways, ports, ponts, Credits aux Municipalités etc....

Aristide Bey est un grand ami de la France permettez de vous lire ce passage qui a apparu dans les chroniques d’Orient, “On sait avec quelle générosité et desinteressement Mr. A. Baltazzi offrit a Mr.Waddington en 1879 de laisser explorer la Nécropole de Myrina. Non seulement il n’a rien négligé pour faciliter les recherches sur ses domaines d’Ali Ağa mais il a aussi cédé a la France le tiers des trouvailles qui lui revenait de droit”, Croix de Légion d’Honneur , Donateur du Louvre etc.. (Revue Archeologique 1887, t II , p.350 – 358)


Démosthene Baltazzi Bey (né a Izmir en 1836) fils d’Emmanuel, mon aieul (arrière grand père) avait épousé Marie Sevastopoulo des Grandes Familles de Chios dont l’aieul Sir Pandeli était le plus grand bienfaiteur de la commuauté Grecque d’Izmir. (Ecole Evangelique, Hopitaux etc..) Quand Marie meurt a l’age de 28 ans, Démosthene se consacre entierement a l’archeologie, fait des nombreuses fouilles a Kyme, aux environs d’Ali Aga, a Magnesie de Meandre , Tralles etc.. Il va avec le fameux Hamdi Bey à Sydon ou ils découvrent les sarcophages qui sont au Musée d’Istanbul. Il remplit plusieurs charges, Commissaire de Fouilles (Myrina et Assos) Directeur des antiquités de la province d’Aydin, conservateur du Musee d’Istanbul, ami des fameux archeologues , entre autres du francais Raineck. Il entretien une longue correspondence, sur ses decouvertes et fouilles , reprise dans les Chroniques d’Orient. Enfin un autre fils d’Emmanuel, Xenofon (1833 – 1895) entre dans la diplomatie Ottomane, devient Consul a New York. De la même branche qui continue a vivre aux E.U. Warner est candidat Democrate en 1920 puis Amiral.

Actuellement il y a des Baltazzi en Italie, en Autriche, en Grece et en Turquie (moi, ma femme et mes 2 fils).

Si vous avez le temps je peux vous lire un passage du premier voyage en Orient (1833) de Lamartine ou il décrit la société des Banquiers a Istanbul (Voyage d’Orient 25 Juin, page 576)


ALEX BALTAZZI 2003


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